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Mes saisons d'éducateur

Des émotions, des rencontres, de belles histoires

Il en reste toujours quelque chose

Il en reste toujours quelque chose

En 25 années d’éducateur, j’ai connu différents types de saison. Les résultats ont leur importance, évidemment. Mais s’ils sont essentiels, ils ne sont pas pour autant ce qui m’a marqué le plus intensément. J’ai connu des accessions, une relégation, des victoires, des défaites méritées ou cruelles, des matchs incertains qui font vibrer jusqu’au coup de sifflet final. Ce sont là des souvenirs forts. Mais, comme je me plais à le répéter chaque saison aux joueurs que j'entraîne, ce qui compte bien plus que ça, c’est l’aventure humaine qui les lie entre eux et qui, je l’espère, me lie aussi à eux. Rien n’est plus fort, rien n’est plus beau que cette aventure, que ces aventures, que ces liens d’amitié que j’ai pu tisser avec certains de mes anciens joueurs. Le plaisir de se voir, de se revoir, de se parler.

Des défaites, des victoires, des saisons magnifiques ou des saisons ratées, cela peut s’oublier. Mais ces relations restent ancrées. J’ai cette chance, extraordinaire, d’avoir tissé de tels liens par-delà les résultats. Quelques-uns sont aujourd’hui devenus très proches. Je n’ai pas besoin de les citer, ils se reconnaîtront. Mais il y en a aussi beaucoup d’autres que j’ai toujours plaisir à revoir, avec qui je suis heureux de discuter, dont j’aime prendre des nouvelles… Et j’ai le sentiment qu’ils me le rendent bien. Cinq ans, dix ans ou vingt ans après, le lien est toujours là. Il ne s’étiole pas. Il se renforce. Et c’est aussi et surtout cela qui donne un sens à toutes ces années passées sur les terrains.

Parfois, il n'y a effectivement pas grand-chose à retenir sur le plan sportif de certaines saisons. Il y en a eu peu mais il y en a eu. Aujourd'hui, je m'en souviens d'une. Retour sur la saison 1999/2000. Equipe 15 Ans Excellence du Stade Laurentin.

Toute l’année a été minée par des problèmes de comportements récurrents de la part de joueurs qui n’ont jamais démontré un grand intérêt pour ce que j’essayais de leur transmettre. Les résultats ont été mauvais de bout en bout sauf quand il nous arrivait de jouer en équipe, de faire vivre le collectif. Car il y avait de bons joueurs dans cette équipe. Sur la photo qui illustre l'article, certains ont réussi à tenir l'équipe à bout de bras : Antoine, Sébastien J., Loïc, Fabien. D'autrres, absents de la photo, ont eu un rôle important aussi : Sébastien C. ou Steeve notamment. Ils ont permis à l'équipe de ne pas sombrer complètement. La seule excuse valable était que notre groupe était composé de nombreux « première année » - plus de la moitié. Mais sincèrement, je me mentirais à moi-même si je voulais faire de cette excuse l’explication principale de cette saison manquée.

Il faut le dire tout net : j’ai traversé cette saison-là sans presque jamais parvenir à mettre en place ce que je souhaitais. A chaque séance d’entraînement, c’était une lutte de tous les instants pour faire adhérer les joueurs, pour régler les conflits internes à l’équipe, pour protéger ceux qui avaient envie d’avancer mais qui étaient scandalisés par le comportement de certains.

Pourtant, il n'y a pas eu que ça cette saison-là. Mais c'est malheureusement ce que je retiens quand je me penche sur le bilan sportif. Et même sur le plan humain où il ne reste pas grand chose de la saison en elle-même. A ce titre, le tournoi de fin de saison en Italie fut un grand moment de réconciliation collective, grâce aussi aux fous furieux géniaux qui composaient l'équipe des 17 ans, entraînée par Jean-Pierre Vegas. Ce tournoi fut grandiose.

Pourtant, même dans une saison aussi difficile, il reste quelque chose.

La preuve avec Sébastien J. que je connaissais déjà depuis des années et que je revois encore débarquer un mercredi matin, tout gamin, au stade Léon Bérenger... 

La preuve avec Fabien que j'avais fait signer au Stade Laurentin alors que j'étais pion au Collège Pagnol où il était élève et qui s'amusait à tenir perpendiculairement à un poteau en s'y tenant avec les bras... Il faudra que je lui demande s'il y parvient encore...

La preuve aussi avec Loïc qui est parti en fin de saison jouer à un meilleur niveau mais qui a fait preuve cette saison là de grandes qualités football et aussi humaines....

Et même dans une moindre mesure aussi avec Sébastien C. avec qui les relations ont pourtant été très tendues et très compliquées ou encore avec Renaud, devenu lui-même éducateur et qui se rend peut-être compte aujourd'hui de la difficulté de la tâche... 

Comme je l'écrivais donc, il a fallu prendre des décisions et des sanctions mais en les prenant, je savais que je portais préjudice à l’équipe car les joueurs concernés, il faut le reconnaître, étaient individuellement de bons joueurs.

Vers la fin de saison, s’est posée cruellement la question de l’un d’eux qui était aussi bon joueur que perturbateur pour l’équipe. C'est dire s'il était bon...

Je l’avais exclu depuis quelques semaines et son absence était clairement un vrai handicap. La fin du championnat approchait et la menace de la relégation n’avait jamais été aussi grande d’autant plus que nous avions plusieurs absents pour cette dernière ligne droite.

A trois journées de la fin, je vais trouver la direction du club. Le problème est simple : pour se sauver, je suis persuadé que l’équipe a besoin de ce joueur. Il reste trois matchs, il faut en gagner deux. Or, je n’ai pas l’intention de revenir sur cette exclusion. Je remets donc ma démission pour que l’équipe soit reprise en main par un autre éducateur qui n’aura pas mes scrupules. La réunion dure assez longtemps. Les discussions sont vives.

Un choix pour l'équipe et le club

Je maintiens ma position. Jusqu’à un argument qui fait mouche : « Si penses qu’il faut le reprendre et que tu ne le reprends pas, tu commets une faute vis-à-vis de l’équipe et du club. Et si tu préfères démissionner, c’est comme si tu quittais le navire alors qu’il est en train de couler. »

Je sors de la réunion et convoque les joueurs pour avoir leur ressenti...qui fut positif.

Le joueur concerné fait donc son retour dans l’équipe.

Cela ne suffit pas et nous perdons le match suivant.

Il nous reste deux matchs.

Deux victoires sont indispensables pour nous maintenir en Excellence.

Nous gagnons le match suivant à domicile. Mais il n’y a aucun soulagement car tout le monde sait que le prochain et dernier match de la saison, celui qui va conditionner notre maintien, se déroulera sur le terrain du leader du championnat qui, malheureusement pour nous, se retrouve aussi dans l’obligation de gagner pour accéder au niveau Ligue sous peine de voir le deuxième le coiffer au poteau.

Le leader était alors l’US Cagnes-sur-mer et nous jouons à Sauvaigo pour ce match « de la peur ». Belle assistance. Des supporters cagnois évidemment, mais aussi laurentins. Et surtout, chose peu banale mais pas surprenante, des supporters de l’équipe deuxième du championnat, espérant un faux pas de Cagnes pour accéder à la Ligue. Je ne me souviens plus s’il s’agissait de Saint-Sylvestre ou du Cros. Il me semble que c’était le Cros mais ma mémoire me joue des tours. Bref, une belle ambiance pour un match a priori déséquilibré mais au couteau.

Je ne ferai pas un résumé du match car j’avoue que tout est un peu embrouillé tant d’années après. Mais je crois me rappeler que nous sommes rapidement menés au score, de façon logique, par cette équipe de Cagnes et la perspective de l’exploit s’éloigne un peu plus.

Mais c'est sans compter sur le clin d'oeil du destin puisque c'est le fameux revenant qui va égaliser. Je ne me souviens plus vraiment. Est-ce avant la mi-temps ? Est-ce sur coup-franc ? Je mélange tout... Peu importe.

Les minutes passent. Nous subissons le jeu. Cagnes est obligé de gagner. Un match nul ne lui suffit pas. Nous aussi mais il n’est pas question d’aller tenter de faire le jeu. Nous avions décidé depuis le début de les attendre, de les contenir et de profiter des espaces qui s’offriraient à nous en parvenant à conserver le nul le plus longtemps possible. Plus le match approche de son terme et plus les espaces sont effectivement grands.

Il ne reste qu’une poignée de minutes lorsque « qui vous savez » est lancé en profondeur. Parti de son propre camp, il n’est pas hors-jeu. Il a près de 40 mètres à parcourir avant d’aller défier le gardien. Il le dribble. Marque dans le but vide. L’exploit va peut-être avoir lieu. On défend à 11 dans les derniers instants. Je ne sais même plus comment on fait pour ne pas prendre du but mais on le fait. L’arbitre siffle la fin. Victoire. Exploit. Maintien.

Dans ces moments-là, tout le monde est heureux, évidemment. La liesse nous emporte tous. Enfin, pas vraiment tous. Je suis soulagé, oui. Mais pas heureux. Nous avons réussi à nous maintenir mais au prix de ce que je considère alors comme un reniement à certains principes. Tout le monde me félicite mais je ne sais pas si je mérite ces félicitations. Je finis cette saison avec des sentiments contradictoires.

Ai-je bien fait de faire revenir ce joueur ? Aurais-je dû rester ferme et finir la saison sans lui ? Aujourd’hui encore, je n’ai pas la réponse. Je sais ce que j’ai fait et je sais que cela a peut-être permis d’obtenir ces deux victoires. Mais était-ce la bonne solution ? Peut-être aurions-nous gagné sans lui après tout. D'ailleurs, si nous gagnons ces deux derniers matchs, il n'est pas le sauveur. Sans les autres, il n'y aurait jamais eu ce maintien. Cette issue est positive car c'est le collectif qui avait enfin repris le dessus.

Voilà à quoi nous pouvons aussi être confrontés en tant qu’éducateur. Il faut essayer alors de concilier l’intérêt de l’équipe et du club, ses propres codes moraux, sa fierté personnelle, des exigences disciplinaires, etc. Pour parvenir au meilleur résultat possible. Et quand ce résultat est obtenu, la question demeure : ai-je bien fait ?

Cette question est là. Présente. Mais elle ne viendra pourtant jamais occulter le fait que même après une saison galère comme celle-ci, il est possible de conserver avec certains des relations que seul le sport permet. Cette saison ne fut pas la plus belle ni la plus aboutie de mes 25 années passées sur un banc. Loin de là. Mais elle m'a aussi permis de connaître de belles émotions. Et c'est ce qui compte, non ?

 

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C
Très content de te lire Michel, certaines choses me rappelle avec nostalgie de bons souvenirs, j'ai pris du recul sur ce football et pour avoir suivi tes résultats, je pense que tu est vraiment devenu un bon entraineur au fil des années, un bon entraineur n'est forcément celui qui a des résultats mais celui qui fédère et marque ses joueurs et tu en aura marqué plus d'un et je fais parti de ceux là.<br /> Pour revenir sur ce tournoi en Italie il restera à mes yeux mon meilleur souvenir footbalistique.
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